Bribes de correspondance
Quel plaisir de recevoir une carte de ta part. Tu es toujours fidèle au
"rendez-vous" et je suis vraiment touché de voir que tu n'oublies pas cette
date et que tu as toujours une petite attention à cette occasion pour
une lointaine connaissance qui a pratiquement disparu de la circulation ;-)
A part ça, tout va bien de ton côté ? la famille se porte bien ? les enfants
poussent bien? Ton mari s'occupe toujours bien de toi?
Encore merci et au plaisir d'avoir de tes nouvelles
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C'est que jamais tu n'as été "une lointaine connaissance", même quand tu disparais de la circulation ;-) Et s'il est vrai que parfois je m'inquiète un peu de ton silence, jamais je ne t'en veux.
Tu vas bien?
Moi je n'ai pas grand chose à raconter, à part des banalités (les vacances, la rentrée des enfants, le boulot du mari, etc...). C'est que ma vie fait du sur-place depuis un bon bout de temps. C'est idiot, hein?
En revanche je lirais avec plaisir de tes nouvelles...
Je t'embrasse.
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Que veux-tu dire en parlant de ta vie qui "fait du sur place"? Avais-tu des
ambitions ou des buts dans ta vie que tu n'arrives pas à atteindre? As-tu été
déçue par quelque-chose dans ton parcours? Une famille unie, des enfants en
bonne santé, une jolie maison,...que vouloir de plus...? Tu m'inquiètes en
parlant de la sorte.
Au plaisir d'avoir de plus amples nouvelles de ta part et surtout porte-toi bien
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Que te dire... Je n'ai jamais vraiment raisonné en terme d'ambitions ou de buts à atteindre du moins professionnellement. Pour moi il était avant tout important de réussir ma vie de famille et cela l'est devenu davantage lorsque j'ai perdu mon boulot. Est-ce par réelle prise de conscience ou pour fuir un sentiment d'échec, je l'ignore. Toujours est-il que cela fait 6 ans maintenant que je n'ai d'autre occupation, d'autre univers que ma maison, mes enfants et parfois mon mari (lorsque les relations avec lui ne sont pas trop "grippées", ce qui arrive quand-même de temps en temps, il faut bien l'avouer).
Je suis de nature assez paresseuse, alors je me coule très facilement dans le moule du confort, du "sans contraintes", du "ne rien faire". Et ainsi les années passent, elles me filent entre les doigts, en tout cas c'est l'impression que j'en ai de plus en plus souvent maintenant. Je me rends compte également que je n'ai plus rien à raconter, rien d'intéressant à partager, même avec des personnes qui me connaissent bien ou avec lesquelles le contact est facile, comme avec toi. Quand je donne de mes nouvelles, ce sont celles de ma famille: les enfants, le mari, etc... et jamais les miennes. Et je ne crois pas que je me cache en faisant cela, je n'ai tout simplement rien à dire sur moi. Ce qui est quand-même relativement pathétique, il faut bien le dire.
Je ne dis pas que je souffre de cette situation, du moins sans doute pas assez. Pas assez que pour avoir envie de briser cela, de dépasser ma peur de l'inconnu et du "je n'y arriverai jamais" en cherchant par exemple du travail. Pourtant j'ai cherché, mais il faut bien reconnaître que je l'ai fait sans grande conviction. ça a failli marcher une fois, il y a presque un an: j'ai passé un examen écrit auquel j'ai été retenue, puis à l'entretien ils ont choisi quelqu'un d'autre. Et c'est là que je me suis rendue compte que j'étais prête à accepter un boulot pour lequel j'étais sur-qualifiée, tout cela pour des raisons de proximité et de facilité vis à vis de ma vie de famille (être à l'heure à l'école pour aller chercher les enfants, tout bêtement). Heureusement finalement que cela n'ait pas marché, je ne crois pas que ça m'aurait éclatée d'être animatrice-formatrice plutôt que psy. Note que, sans avoir essayé, on ne peut jurer de rien ;-)
Voilà ce que j'évoquais en disant que ma vie faisait du sur-place.
Même pour les vacances, je n'ai rien à te raconter. Car on est restés à la maison. D'abord parce qu'on y faisait des travaux et qu'on avait concrètement des choses à faire avant et pendant l'arrivée des ouvriers. Ensuite parce que j'ai subi une petite intervention chirurgicale. Et enfin parce que j'ai toujours beaucoup de mal à quitter mes pénates et à explorer de nouveaux horizons, surtout si cela coûte de l'argent (tu vois, en plus d'être pantouflarde, je suis radine ;-) ). Et voilà qu'à cause de cette attitude, Numéro2 n'a rien eu à raconter en classe à la rentrée, et sur le planisfère il n'a rien pu coller d'autre qu'une photo de notre maison tandis que d'autres ont pointé l'Amérique, les Caraïbes ou la France, l'Espagne, etc... Et j'avoue que ça m'a choquée.
Bon, je me suis vraiment étalée là pour le coup, et j'en ai dit certainement plus que ce que je l'aurais voulu. En tout cas tu aurais tort de prendre tout cela très au sérieux, je sais très bien que j'ai beaucoup de chance d'avoir une vie comme la mienne et que pour le reste, cela ne dépend que de moi.
J'envoie avant de tout effacer...
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C'est vrai que rester à la maison pour s'occuper de la famille et de la maison,
ça a du bon (certainement pour les enfants) et parfois même j'envie ceux qui en
ont la possibilité, mais le principal côté négatif, c'est d'être un peu "hors
jeu", entre autre dans les conversations. Une des premières questions lors d'une nouvelle rencontre, c'est "et
qu'est-ce que tu fais comme boulot?" Mais bon, aujourd'hui, cela devient un
luxe de pouvoir rester à la maison sans devoir travailler (en dehors de la
maison du moins).
Mais à part le problème des sujets de conversation, je ne crois pas que le
travail représente un but réel dans la vie. C'est utile de gagner sa vie, et si
possible de bien la gagner, mais à part cela, quel aboutissement pouvons-nous y
chercher? A part ceux qui partent dans le tiers-monde avec MSF ou dans le cas
d'autres métiers semblables?
En conclusion, ma philosophie, c'est qu'il est important d'avoir un objectif
dans la vie, mais surtout qu'il faut apprendre à être heureux avec ce que l'on
a car on a souvent tout pour l'être et on n'en est pas conscient ou on n'en
profite pas correctement. Bonne journée et au plaisir.