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Petits riens
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18 mars 2008

Il y a trente ans, Clo-Clo

5099751788027Je ne me souviens plus comment j'ai appris la mort de Claude François, mais je sais que je l'ai ressentie. Nous n'avions pas la télévision à la maison et la radio que nous écoutions parfois était réglée sur une station qui n'émettait pas dans ma langue. Mes parents avaient des principes, le premier d'entre eux était que la télévision pervertissait la jeunesse en la détournant d'activités plus culturelles comme la lecture, le second consistait à rejeter en bloc ce qui faisait la mode et l'air du temps. Les musiques et artistes du moment n'avaient pas le droit de cité dans mon univers familial, la radio était choisie pour diffuser de la musique country ou des réarrangements (foireux) de vieux standards américains et des infos dans une langue que je n'ai apprise que bien plus tard.

Je ne sais pas comment la nouvelle de la mort de Clo-Clo a franchi la forteresse de mon ignorance forcée. J'ignore même si, à l'époque, j'avais pleinement conscience de qui il était et de la trempe de cet artiste, de l'impact qu'il avait sur la société. Mais pourtant, je sais que j'en ai été informée. Peut-être dans la cour d'école, peut-être en entendant la radio quelques jours plus tard chez une copine, vraiment je n'arrive plus à me souvenir. Mais je percevais à l'époque les remous émotionnels provoqués par sa disparition.

J'avais 10 ans et ne connaissais rien au monde de la variété, des chanteurs et chansons prisés par mes petits camarades. J'étais une étrangère dans mon pays, dans ma société. Nous avions un tourne-disque à la maison avec quelques vinyles de Tino Rossi, de chants de Noël et de comptines pour enfants, mais rien de ce qui faisait vibrer mes copines et leurs grandes soeurs.

Un jour pourtant, était-ce longtemps ou peu après je ne m'en souviens pas, un disque de Clo-Clo a fini par arriver jusqu'à moi. Ai-je fait le lien avec sa mort en l'écoutant, je ne pourrais en jurer. J'ai découvert quelques-unes de ses chansons les plus populaires et ai appris à les apprécier. Mais je ne saurais décrire le choc que j'ai eu en écoutant "Le Mal Aimé".

Jusque-là je n'avais qu'une perception très globale des chansons, encore maintenant d'ailleurs, je me laisse surtout séduire par la mélodie et l'ambiance, je ne découvre les mots que bien longtemps après qu'ils me soient rentrés dans l'oreille. Il faut même parfois que je les fredonne machinalement pour que je finisse par me laisser envahir par le texte. Comme si, avant de me l'approprier, il fallait que la chanson franchisse les murs de mon indifférence ou de mon incapacité à être en phase avec le monde. Mais cette chanson-là est sans doute la première à avoir traversé ma forteresse, et elle m'a percutée de plein fouet.

J'ai été sciée de découvrir dans le texte du "Mal Aimé" des mots qui collaient si parfaitement avec mon état d'esprit des jours de mes gros cafards d'enfant. Je me sentais en résonnance parfaite avec l'état d'âme décrit dans la chanson. Qu'un adulte exprime si bien ce que je ressentais m'a ouvert tout un champ de réflexion, un champ de possibilités. Je me suis sentie moins seule dans ce que j'éprouvais le plus grand mal à raconter, que ce soit à mes copines avec lesquelles, craignant leur rejet, j'étais fort peu à l'aise et avec mes parents qui ne prêtaient jamais l'oreille au quart de début de pareille confidence.

Entendre cette chanson, la comprendre vraiment a été un bouleversement pour moi. Un réel bouleversement. Bien au-delà je pense de l'annonce de la mort du chanteur.

J'avais 10 ans lorsqu'il est mort et les hommages qui lui sont rendus pour le trentième anniversaire de sa disparition me replongent dans mon passé. J'entends à la radio ce que l'on disait à l'époque, une rediffusion d'un reportage in situ, au pied de son immeuble, les fans qui crient leur désespoir, qui pleurent d'un vrai chagrin et qui tentent de mettre fin à leurs jours. Trente années se sont écoulées et je m'imprègne de l'événement comme une adulte. Et à côté de moi ma fille, 10 ans, me pose des questions sur ce qu'elle entend. Je lui dis: j'avais ton âge, tout juste ton âge; tu entends là quelque chose que j'entendais aussi dans mon enfance. Et soudain, au travers de la mort de Clo-Clo, un pont se bâtit entre nous par-delà les années qui nous séparent.

La tempête a cessé, les vents auront soufflé deux jours durant, me laissant dévastée comme un champ après la bataille. Heureusement sans trop de dégâts. Un peu de ménage, un coup de balai pour chasser les vieux démons et les renvoyer là d'où ils n'auraient jamais dû sortir, et je raccroche à ma vie. Je vais bien.

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Commentaires
T
tu es passée sur le blog à tartaupom? Elle est décédée le 28 mars.....
B
c'est bon que tu ailles bien....
B
Je suis heureuse que tu ailles bien, que la "tempête" n'aie pas fait trop de dégâts.
L
Merci de ton passage chez moi.<br /> Je n'ai pas encore tout lu, il faut que je remonte en arrière, mais il y a beaucoup de mots qui me touche tres fort.<br /> ( confidence: je suis aussi psychologue clinicienne)
T
il est rassurant cet article!!!!! <br /> je dois t'avouer qu'ils en font un peu trop pour la mort de Cloclo... enfin c'est mon avis! <br /> gros bisous et ravie que le tempête soit passée sans faire trop de dégâts!
Petits riens
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