Le compte à rebours

Après des années où elle ne s'est pas trop souciée de lui, elle vient de se faire rattrapper par le temps qui passe.

Des années à se débattre pour faire sa place dans son milieu professionnel, pour exister aux yeux de ses confrères, pour gagner sa vie et payer sa maison. Des années pour soutenir son compagnon à gérer les soubresauts de la maladie en alternant les périodes d'angoisse et d'espoir éperdu tandis qu'il quitte lentement sa propre vie. Des années à pleurer son bonheur perdu et à se convaincre que l'existence peut encore lui offrir de belles occasions de vie de couple. Des années à chercher le deuxième homme de sa vie, à nouer une relation hésitante, et enfin le désir fou de construire un bel avenir avec lui.

Et là, soudain, elle se fait rattrapper par le temps. Ce temps qui s'écoule et qui lui dessine ces griffes au coin des yeux, qui affaisse sa poitrine et enrobe ses hanches. Ce temps qui l'inquiète par les prises qu'il laisse sur elle et surtout par les opportunités qu'il lui retire peu à peu, insidieusement. Comme celle d'être mère.

A 35 ans, elle se découvre un désir d'enfant. Non qu'il n'était pas présent en elle jusque-là, mais maintenant elle le ressent comme impérieux, comme urgent. Mais voilà, de sa vie cahotique d'avant elle a hérité des doutes, des peurs et le sentiment que la vie ne tient qu'à un fil, y compris celui de l'argent. Ce travail que son compagnon vient de perdre fait peser un peu plus lourdement sur ses épaules la nécessité d'assumer seule la charge financière de leur vie. Ce temps qu'elle aura à consacrer à faire vivre matériellement la famille, c'est du temps en moins à offrir à un éventuel bébé. Et ce temps à essayer de convaincre celui qu'elle aime que, même s'ils ne seront jamais des parents conventionnels, même s'ils sont déjà bien avancés dans leur vie tous les deux, même s'ils ont un destin un peu en marge des jeunes- couples-mariés-un-bébé-avec-la-bénédiction-des-parents, cela en vaut la peine.

Mais le temps passe et gagne du terrain sur son corps. Le compte à rebours a commencé: son destin doit se décider très vite.

Comments

[Bloguette]

Voilà un moment que je te lis sans intervenir ... mais ce soir peut-être que mon petit mot redonnera confiance à "elle" ! J'ai 35 ans et un enfant qui vient de fêter son premier anniversaire. J'espère très fortement pouvoir avoir au moins un deuxième enfant. Ma famille aussi est en marge des jeunes mariés - un enfant - avec bénédiction des parents puisque ma fille a deux mamans, un père qu'elle ne connaîtra jamais (c'est un donneur anonyme) et des grands-parents qui ne comprennent pas bien comment une telle folie peut exister. Moi aussi je suis seule à travailler pour faire vivre ce petit monde. Et alors ? Nous sommes heureuses, à notre façon, et peu nous importe ce qu'en pensent les autres !

Au plaisir de te lire encore et encore,

[1000secrets]

Je suis un "vieux papa" : j'ai 41 ans. Mon fils a trois ans et j'ai aimé chaque instant de ces trois années passées auprès de lui. Après avoir vécu pour moi seul durant des années, j'ai à mon tour été rattrappé par ce désir d'enfant à travers le désir d'une femme. Avant elle, tout posait question : moi, ma compagne d'alors, le mariage, l'enfant, la vie à deux... Tout.

Je l'ai rencontrée et c'est devenu une évidence : nous devions nous marier et faire un enfant. Je n'avais plus peu de l'avenir, plus peur de moi ni des autres. Et nous l'avons fait.

La sagesse populaire dit que parfois il faut arrêter de se poser des questions et se lancer. La sagesse populaire n'est pas sotte, parfois.

J'ai aussi la chance d'avoir été protégé, par je ne sais quel miracle, des événements douloureux que vous semblez avoir connus. C'est peut-être cela qui m'a rendu les choses plus faciles. Allez savoir. Et bonne chance pour la suite...

[Ortie]

oups !
désolée ...

[Ortie]

Comme dirait Benabar, "qu'est-ce que tu voulais que j'lui dise.."

Il n'y a probablement rien de plus terrible que de perdre un homme, d'essayer de refaire sa vie, de ne pas vivre dans le passé, de vouloir dévorer ce futur mais de se sentir la peur au ventre.
Le désir d'enfant, c'est vicieux, ca nous mange par petits bouts, ca nous dévore de l'intérieur. On a envie de ce bonheur qui semble si facile à d'autres.
La décision pour certains se prend en moins de trois secondes le temps de se retourner vers l'autre, certains ne prennent même pas la décision, la nature l'impose à eux.
Et puis parfois, on se torture, on doit convaincre, on doit effacer ses peurs et celles de l'autre.

Elle a 35 ans, elle a encore du temps quoiqu'on en dise. Elle réapprend à faire confiance en la vie. C'est dur. Mais elle y arrivera.
Et puis elle a des amies pour la soutenir, non?

[Ortie]

Comme dirait Benabar, "qu'est-ce que tu voulais que j'lui dise.."

Il n'y a probablement rien de plus terrible que de perdre un homme, d'essayer de refaire sa vie, de ne pas vivre dans le passé, de vouloir dévorer ce futur mais de se sentir la peur au ventre.
Le désir d'enfant, c'est vicieux, ca nous mange par petits bouts, ca nous dévore de l'intérieur. On a envie de ce bonheur qui semble si facile à d'autres.
La décision pour certains se prend en moins de trois secondes le temps de se retourner vers l'autre, certains ne prennent même pas la décision, la nature l'impose à eux.
Et puis parfois, on se torture, on doit convaincre, on doit effacer ses peurs et celles de l'autre.

Elle a 35 ans, elle a encore du temps quoiqu'on en dise. Elle réapprend à faire confiance en la vie. C'est dur. Mais elle y arrivera.
Et puis elle a des amies pour la soutenir, non?