Ado à dos
Avant, il avait constamment envie de parler et d'être écouté. Maintenant, on a de la chance quand il répond par une monosyllabe - quand il répond. Car il n'y a pas pire sourd qu'un ado bien décidé à rester hors d'atteinte. D'ailleurs parfois, une monosyllabe c'est encore trop d'efforts, alors un grummmpfff ou un beeeuuuurrrrkkk ça le fait tout aussi bien.
Le matin il ne répond plus aux souhaits de bonne journée. Oubliés les câlins et le bisou aux portes de l'école: désormais on a de la chance s'il nous accorde encore un bref regard en sortant de la voiture. Il semblerait que ce soit "trop la honte" de saluer le parent qui vient de faire 20 minutes en voiture pour que le bonhomme n'ait pas à se fatiguer les chevilles ou à se geler le bout du nez.
Alors qu'il y a six mois il était encore un enfant adorable, gentil et plein d'humour, le voilà devenu un ado idiot, susceptible à l'extrême et capable de passer de moments de puissante exaltation à des périodes de bouderie extrême. Tout cela pour un mot qui ne lui a pas plu, ou une parole malheureuse, un geste quand il aurait fallu s'abstenir, une absence de geste alors qu'il l'attendait.
L'enfant enthousiaste et plein d'énergie se mue petit à petit en long machin lymphatique, qui échappe désormais à toute logique. Ses centres d'intérêt se résument à "téléphone portable, rencard MSN, jouer playstation, dormir chez copain". Quant aux sorties en famille, le cinéma du dimanche après-midi, la balade à vélo, les crèpes-party, tout ça est devenu obsolète.
La vision du monde se simplifie à l'extrême. Tout, absolument tout ce qui existe, des objets aux gens en passant par les sentiments se divise désormais en deux catégories: le "trop cool" et le "trop naze". Mais attention, ce qui est trop cool un jour peut très bien s'avérer trop naze le lendemain, sans que quoi que ce soit puisse permettre d'en saisir la raison.
Etant donné la propension de l'ado à se vexer rapidement et intensément, l'enjeu essentiel pour le parent devient de rester le plus longtemps possible dans la catégorie "trop cool", faute de quoi la moindre situation peut rapidement virer au cauchemar. Mais attention, proposez-lui quelque chose qui lui faisait plaisir hier encore, et vous risquez le fiasco pour faute de goût car entretemps vous serez devenu "trop naze" sans même vous en être rendu compte.
Et tandis que son duvet sur la lèvre supérieure commence à s'assombrir, mon fils de presque 12 ans glisse petit à petit dans l'adolescence...
A part cela, je n'ai pas eu le job finalement. Reste à encaisser la nouvelle.