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Petits riens
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23 novembre 2005

Une petite fille


Il était une fois une petite fille qui n'était pas aimée, ou alors très mal. Elle était triste et seule, immensément seule. On disait d'elle qu'elle ne savait pas sourire, et on le lui reprochait plutôt que d'en chercher la cause avec elle.


Bien qu'on ne le lui ait jamais expliqué, cette petite fille sentait qu'on attendait d'elle qu'elle rentre dans une case, une toute petite minuscule case, celle de la petite fille modèle. Et elle a décidé, question de survie, de tout faire pour y entrer.


Mais tous ses efforts pour se couler dans ce moule bien trop étroit étaient vains, elle était toujours "trop ceci" ou "pas assez cela" pour être conforme au désir de ses parents et pour être totalement aimée d'eux. Elle avait beau se faire violence, essayer de s'oublier, se réduire à son minimum pour entrer dans cette case beaucoup trop étriquée, c'était peine perdue. La petite fille en a retiré un grand sentiment d'incompréhension plutôt que d'injustice: comment donc fonctionne ce monde de cases trop petites, pourquoi attend-on d'elle ce qu'elle est incapable de faire, et comment se fait-il qu'elle n'arrive pas à réussir le projet que l'on a pour elle...


Et la petite fille perdait peu à peu son sourire, sa confiance en elle. Elle apprit à se faire discrète, transparente, molle comme une pâte à modeler. Ainsi peut-être que quelqu'un lui proposerait un jour une case dans laquelle elle arriverait à entrer. En attendant, elle essayait d'aller vers les autres, de se faire des amis, mais quand on a compris qu'on était une sorte d'handicapée des cases, ce n'est pas facile de se faire des amis. Et puis, ses parents qui ne l'aimaient pas ou mal le lui avaient confirmé: jamais tu ne trouveras quelqu'un pour t'aimer, que ce soit d'amour ou d'amitié.



Puis la petite fille a grandi. Peu grandi. Et grossi. Beaucoup grossi. Puisqu'on voulait à tout prix la forcer à rentrer dans des cases trop étroites, elle allait jeter aux yeux des autres son incapacité à le faire. Ainsi peut-être que les gens allaient renoncer à avoir des projets impossibles pour elle, et qu'on allait enfin lui f... la paix à défaut de l'aimer pour ce qu'elle était.


Plus tard, bien plus tard, la petite fille a fait psycho "pour comprendre les gens et le monde". En réalité, dans l'espoir de découvrir les codes qui régissent les êtres humains et les rapports entre eux. Les clés du monde... Et elle a grossi encore, encore, elle s'est chargé du poids de ses incompréhensions, du poids de ses douleurs, du poids de son incapacité à se faire aimer.


Quand-même, l'histoire se termine bien sauf qu'elle est loin d'être terminée. La petite fille est devenue une jeune femme, a rencontré et épousé un prince charmant et a fait l'expérience de l'amour absolu et inconditionnel en devenant maman. Elle a cheminé dans la compréhension du monde, a pris le pouvoir sur sa vie, s'est déchargée d'une bonne partie de ses fardeaux et aborde la vie depuis quelques années avec le sourire. Mais quelques fois, à l'occasion de certains stupides cafards intenses, surgit encore en elle la petite fille triste, seule et pas aimée.

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